Déborah Diallo, en marche contre l’excision

Déborah Diallo en marche contre l'excision

France

Deborah DIALLO, avocate

En janvier dernier, le prix du public du concours international de plaidoirie organisé par le mémorial de Caen a été décerné à Maître Déborah Diallo. L’avocate strasbourgeoise défendait une fillette victime d’excision.

Déborah Diallo est animée par les valeurs que sa mère lui a transmises : liberté, indépendance et intelligence. « Ce sont les trois choses importantes que ma mère m’a appris », confie-t-elle. Intéressée par le métier d’avocat depuis son plus jeune âge, Déborah Diallo débute en 2018 des études de droit qui la mèneront ensuite à l’Institut des études européennes de Strasbourg où elle valide un cursus de droit européen et international, mention Droits Humains. Alors qu’elle comptait n’y rester que pour ses études, Déborah Diallo décide de s’y installer « Je devais rester à Strasbourg quelques mois, j’y suis depuis huit ans ! Cette ville était un gros coup de cœur. »

Déborah Diallo a ainsi prêté serment en 2017 et ouvert par la même occasion son cabinet pour exercer son métier en tant qu’indépendante. Sa passion pour la justice, l’avocate la met au service des droits humains et des femmes en particulier. Quand le mémorial de Caen organise un concours international de plaidoirie sur les droits humains, elle n’hésite pas. « J’ai décidé de plaider un cas qui m’a beaucoup choquée, celui d’une petite fille britannique de trois ans victime d’excision. »

Maître Diallo de donner davantage d’information sur ce cas qui illustre parfaitement ce sujet qui la révolte : « Non seulement elle a été écorchée vive par ses propres parents et débute sa vie avec un profond traumatisme, puisque comme beaucoup de femmes elle s’est évanouie à cause de la douleur. Mais en plus elle a été placée, elle a perdu sa famille et connaîtra des douleurs toute sa vie, des infections et des risques de complications en cas de grossesse ».

Défendre les écorchées vives, ces femmes dont on n’entend pas la voix

L’excision consiste à couper le clitoris, parfois les grandes et les petites lèvres, privant ainsi les femmes de tout plaisir sexuel. « Et rien ne peut réparer ça. » Lutter contre « cette violation manifeste des droits humains » lui tient particulièrement à cœur. « 200 millions de femmes dans le monde ont été excisées selon l’Organisation mondiale de la santé, s’insurge Déborah Diallo. Trois millions de bébés, filles ou femmes en sont victimes chaque année, dont 180 000 en Europe. Le tout, dans l’indifférence générale. Je me suis dit « stop », il faut en parler, agir en prévention et éduquer. »

La plaidoirie de l’avocate, intitulée « Les écorchées vives de la diaspora africaine : itinéraire d’une fillette victime d’excision », provoque l’émotion et l’indignation du public présent lors du concours. Son texte, visible sur Youtube, suscite de nombreuses réactions. « J’ai reçu des messages de femmes me disant « merci, j’ai l’impression que ma voix a été portée pour la première fois ». Mais aussi d’hommes bouleversés par l’horreur de l’excision. C’est ça, encore plus que le prix, qui m’a touchée. »

L’excision, une tradition à remettre en cause

Si Déborah Diallo est persuadée « qu’on peut lutter contre le déterminisme », c’est parce qu’elle en est « la preuve vivante. »  Beaucoup de personnes de sa famille, originaires de Guinée, ont été victimes d’excision, comme 97% des femmes guinéennes. Elle s’interrompt brièvement dans ses explications après l’énoncé de ce chiffre. Puis l’avocate reprend : « Ma mère a eu la force et le courage de se battre pour que mes deux sœurs et moi ne subissions pas ce qu’elle a vécu. J’en suis très admirative car il n’y a rien de plus difficile que de remettre en cause les traditions. » Elle continue et rejette un autre préjugé : « L’excision n’a rien à voir avec la religion, c’est un conditionnement culturel ».

Défendre les droits humains, pour Déborah Diallo, « c’est du concret et ça se matérialise dans toutes les sphères du droit. » Elle s’implique au sein du Planning familial et de l’association SOS aide aux habitants. Déborah Diallo a un sens de l’engagement très développé qu’elle met au service de ses clients, par exemple quand elle défend un homme menacé d’expulsion vers le Nigéria, alors qu’il a fait sa vie et fondé une famille en France. Ou quand elle obtient la relaxe en matière correctionnelle pour un homme en détention provisoire durant un an et demi. Ou encore quand elle accompagne une femme victime de violences conjugales.

Elle recueille des témoignages difficiles, personnels mais tente de se protéger au maximum « J’essaie de garder une distanciation entre ma vie personnelle et mon travail… Mais on n’est pas des robots, toutes ces histoires me touchent. Des fois, j’ai peur pour mes clientes. Mais c’est le rôle que j’ai choisi, je dois être forte pour les personnes que je représente. » Avec liberté, indépendance et intelligence.

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